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vendredi 13 avril 2018

Politique des loyers : si on faisait une politique de l'offre ?


Tous les spécialistes de l’immobilier déplorent l’insuffisance du nombre de logements à vendre dans la plupart des grandes métropoles – et spécialement à Paris.
Les acquéreurs, notamment par suite du taux très attractif des taux d’intérêts, sont nombreux alors que les vendeurs sont de plus en plus rares.
On constate que les logements mis sur le marché concernent essentiellement des ventes d’appartements constituant des résidences principales, ou des cessions liées à des problèmes de succession ou de divorce.
Personne ne semble s’interroger sur les véritables raisons de cette raréfaction de l’offre de logements à vendre.
Le motif est pourtant simple.
Tout propriétaire qui vend un logement qui ne constitue pas sa résidence principale est soumis à des prélèvements fiscaux importants si cette dernière intervient après moins de 30 ans après son acquisition.
Les propriétaires préfèrent attendre l’approche de ce délai sauf s’ils sont contraints de le faire pour des raisons économiques ou familiales.
Il suffirait de ramener ce délai de 30 ans à 20 ans pour faire apparaître des milliers de logements sur le marché.
Cette politique de l’offre aurait pour effet de casser la hausse des prix et d’augmenter les recettes des collectivités locales par la perception de droits de mutation.
Dans le domaine de la location, les maires des grandes villes et notamment la maire de Paris déplore la multiplication des locations saisonnières. Pour lutter contre ce  phénomène, certaines municipalités multiplient les contrôles et la règlementation.
Personne ne semble s’interroger sur les raisons de cet engouement et sur les raisons de la diminution du nombre de propriétaires fonciers.
Le motif essentiel  ne serait-il pas simplement une fiscalité des revenus fonciers trop lourde (elle peut dépasser 50 % des revenus dans certains cas), une législation sur les biens d’habitation trop restrictive et favorable aux locataires ?
Pourquoi ne pas instaurer une flat tax pour les revenus fonciers avec prélèvement à la source et des baux d’habitation plus souples ?
Le futur bail mobilité semble aller particulièrement dans ce sens.
Pourquoi pas un pas de plus pour la location d’appartements non meublés ?
Cela créerait une augmentation de l’offre et par conséquent une diminution du prix des locations.
Le marché de l’immobilier est malade d’une politique de l’offre insuffisante.
Rêvons et espérons que le gouvernement le comprendra.

Bernard Monassier
                                                                                       Président de BM Family Office
                                                                         Vice-Président du Cercle des Fiscalistes







mercredi 11 avril 2018

Les Panama Papers : et si on se trompait de coupable ?





Panama Papers, Paradise Papers, les scandales fiscaux qui se succèdent résultent d’une fiscalité mondiale hétérogène et de taux d’imposition parfois trop importants, montre Maître Bernard Monassier. Pour lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale l’harmonisation fiscale au plan mondial est la seule solution.  

 L’opinion a été scandalisée, à juste titre, par la publication des Panama Papers en 2016 et par les derniers scandales mis à jour par les Paradise Papers. Cette émotion face à des comportements qui ne sont pas citoyens est compréhensible.

Mais personne ne s’interroge jamais sur les raisons profondes de ces scandales liés à la fiscalité des grandes fortunes. Il ne suffit pas de s’insurger et de réprimer, il faut prendre le problème à la racine. Ces scandales fiscaux ont trois origines.

Les États, premiers responsables de l’optimisation fiscale

Les États sont responsables au premier chef. Si l’Irlande n’avait pas un taux d’Impôt sur les Sociétés (IS) si faible, les entreprises ne choisiraient pas la verte Érin comme domicile fiscal. Le dumping fiscal est la première raison de ces comportements face à la fiscalité. S’il y avait une harmonisation des taux de la fiscalité entre les différents pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), plus personne n’essaierait de faire ce que l’on appelle des « sandwichs irlandais » avec le Luxembourg.

Harmonisons les taux des différentes taxes et impôts entre États et nous n’aurons plus ces montages abracadabrandesques organisés les GAFA (Google Apple Facebook Amazon) et autres acteurs économiques qui jouent sur ces différences. La première source d’optimisation fiscale est cette guerre fiscale qui a lieu entre les États.

Les États-Unis de Trump vont devenir un paradis fiscal


Cette guerre fiscale ne va faire que s’amplifier avec les réformes Trump. Les États-Unis avaient déjà le paradis fiscal qu’est l’État du Delaware. Ils vont devenir un paradis fiscal par rapport aux autres pays du monde. Ceci inquiète d’ailleurs l’Union Européenne. Les États n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes et harmoniser leur fiscalité pour éviter cela.

Deuxième cause de l’optimisation fiscale, les taux d’imposition sont considérés souvent comme confiscatoires. Si les taux étaient plus faibles, l’incitation à faire des montages d’optimisation fiscale aussi complexes et coûteux serait peut-être moindre. Les responsables politiques doivent comprendre qu’à partir d’un certain niveau d’imposition, les contribuables ne veulent plus jouer. Ils considèrent que l’État les spollie.

Si on baisse les taux d’imposition, il y aura moins de fraude. L’effet a été visible, par exemple, lorsque le législateur a baissé les droits d’enregistrement en France. Autrefois, cela coûtait 10 % de frais de notaires aujourd’hui, le niveau est à 6 %. De ce fait, les dessous de table ont quasiment disparu. Quand la fiscalité reste cantonnée à des niveaux raisonnables, elle est mieux acceptée.
Quand on instaure des taux d’imposition trop élevés, on pousse les citoyens et les entreprises à enfreindre la loi. C’est pourquoi la flat tax du Président Macron est une excellente chose. A 30 % d’imposition des revenus du capital, il n’y a plus d’intérêt à frauder. A 60 % d’imposition, personne ne veut plus jouer le jeu.

La troisième source de comportements fiscaux frauduleux concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Des scandales récents ont mis à jour la prétendue complicité de grands groupes français dans ces fraudes à la TVA par l’intermédiaire de l’Île de Man.
Pourquoi des milliardaires russes, par ailleurs, choisissent-ils de faire immatriculer un certain nombre de structures dans cette île britannique ? C’est, disent-ils, parce qu’ils n’ont pas confiance dans la réalité de l’État de droit en Russie. Est-ce vrai ou faux ? Je l’ignore, mais on peut se poser la question. Ces oligarques ne sont peut-être pas blancs comme neige. La Russie n’est cependant pas non plus perçue comme un État de droit par la communauté internationale.

Cette absurde TVA sur les avions privés


La taxation des avions privés est un autre cas d’absurdité fiscale. Si vous achetez un avion de tourisme, le taux de TVA s’élève à 10 %. Si vous déclarez un usage à des fins professionnelles, il n’y a pas de TVA. Or, c’est l’État dans lequel est immatriculé l’avion privé qui est chargé de veiller à vérifier l’usage que vous en faites. Il y aurait moins de fraude si les conditions d’application de la TVA sur les avions privés, notamment, était moins ridicule.

L’harmonisation fiscale, seule issue raisonnable

Conclusion, les scandales fiscaux qui se succèdent, Panama ou Paradise Papers, résultent d’une fiscalité mondiale hétérogène et de taux d’imposition parfois trop importants. Pour lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale, l’harmonisation fiscale est la seule solution au plan mondial. Une fois l’harmonisation fiscale acquise, les acteurs économiques n’auront plus intérêt à mettre en place des montages fiscaux complexes, ni à frauder.
 
Me Bernard Monassier
Notaire Honoraire
Vice-Président du Cercle des Fiscalistes


 Article paru dans Les Echos le 11 avril 2018 
dans

samedi 7 avril 2018

Et si on supprimait l'impôt sur le revenu ?



 Alors qu'un début de contestation fiscale se lève en France, Bernard Monassier* et Frédéric Douet* proposent au président de la République une vraie révolution fiscale par la mise en place d'une flat-tax à trois taux constants.


 Une contestation fiscale est en train de s'établir en France. Les retraités tout d'abord voient leurs retraites diminuer par suite de l'augmentation de la CSG. Demain, les propriétaires fonciers vont constater que leurs revenus vont également diminuer pour la même raison. Enfin, dans un troisième temps, ce sera le tour des salariés.

 Une telle contestation est dangereuse pour la République. Les Français sont amateurs de jacqueries qui ont parfois débouché sur de véritables révolutions. Le président de la République a la possibilité historique de faire une révolution fiscale pour anticiper cette révolte.


 Pour cela, il faudrait supprimer l'impôt sur le revenu et l'intégrer de fait à la CSG. La fusion de l'IR, de la CSG et de la CRDS donnerait naissance à la contribution fiscale généralisée (CFG). Il s'agirait d'une flat-tax à trois taux constants dès le premier euro avec un système de décote pour éviter les effets de seuil: 0 % pour les revenus inférieurs à 1900 € par mois, 12 % pour les revenus compris entre 1900 et 5000 € par mois et 25 ou 30 % pour les revenus supérieurs à 5000 € par mois.

Tout d'abord, la CFG ferait échapper à tout prélèvement sur leurs revenus les vingt-deux millions de Français ayant un revenu brut mensuel inférieur à 1900 €. Dix-huit millions de contribuables seraient concernés par la tranche à 12 % et cinq millions par celle à 25 ou 30%. Le coût annuel de l'exonération de vingt-deux millions de contribuables serait de 4 milliards d'euros. Mais la CFG redonnerait du pouvoir d'achat à l'ensemble des Français, dopant ainsi la consommation et, en définitive, les recettes en termes de TVA et d'impôt sur les bénéfices.

La CFG permettrait la suppression de l'ensemble des niches fiscales. Leur coût est évalué à 33,6 milliards d'euros pour 2018, dont 12,7 milliards pour les crédits et réductions d'impôt

  En revanche, leur efficacité est discutable. Le législateur a poussé la schizophrénie jusqu'à redonner du pouvoir d'achat aux contribuables sous forme de crédits et de réductions d'impôts et, dans le même temps, à plafonner à 10.000 € par an le total de l'avantage fiscal procuré par la plupart des niches fiscales. Leur suppression rendrait de la lisibilité à notre système fiscal et l'économie réalisée par l'État ferait que les recettes de la CFG avoisineraient celles de l'IR et de la CSG.
Réconcilier les Français avec l'impôt
Enfin, le fait d'asseoir la CFG sur le revenu brut et de supprimer les niches fiscales limiterait les risques de fraude et d'évasion tout en permettant un vrai prélèvement à la source, y compris pour les revenus fonciers, et non tel que cela est actuellement prévu, ce qui s'avère n'être en définitive qu'une mensualisation obligatoire pour tous de l'IR.

 Moins de contrôles, des recettes plus fluides, telle serait la solution de cette flat-tax généralisée. C'est le seul moyen de réconcilier les Français avec l'impôt ; situation d'ailleurs paradoxale puisqu'ils contestent l'impôt sur le revenu alors que plus de 50 % d'entre eux ne le paient pas.
 
Frédéric DOUET est professeur à l'université Rouen-Normandie.
Bernard MONASSIER est président de BM Family Office et vice-président du Cercle des fiscalistes. Il est administrateur de Dassault Médias.

http://premium.lefigaro.fr/vox/economie/2018/04/06/31007-20180406ARTFIG00242-et-si-on-supprimait-l-impot-sur-le-revenu.php