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lundi 12 juillet 2021

 Financement de la Justice, si on changeait de logiciel ? 



Nous consacrons à ce budget environ 69,59 euros par habitant contre 83,20 euros pour l'Italie, 92,69 euros pour l'Espagne, 131,20 euros pour l'Allemagne et 236 euros pour la Suisse ! Cette simple comparaison est affligeante. 

Le budget 2021 du ministère de la Justice bénéficie d’une hausse exceptionnelle, selon notre Garde des Sceaux ; celui-ci nous promet désormais pour 2022 un budget historique.

Cependant, chaque jour, magistrats, avocats, professionnels du Droit, dénoncent un budget insuffisant et indigne d’un pays économiquement développé.

Ainsi, par exemple, le 1er mars 2021, la Première Présidente de la Cour de Cassation, dans une interview dans le Figaro, s’insurge contre une justice civile sinistrée et oubliée. Polémique politicienne ou triste réalité ?

Face à des positions aussi contradictoires, il faut raison garder, et tenter d’analyser objectivement les moyens financiers mis à la disposition du ministère de la Justice, ministère régalien essentiel. 

Pour se faire une opinion, le meilleur moyen c’est de comparer la situation de la France aux autres pays européens.

Nous consacrons à ce budget environ 69,5 € par habitant contre 83,2 € pour l’Italie, 92,6 € pour l’Espagne, 131,2 € pour l’Allemagne, et 236 € pour la Suisse !!!

Cette simple comparaison est affligeante.

La paupérisation de ce ministère a pour conséquence un nombre de magistrats pour 100.000 habitants inférieur à de nombreux pays et dont la rémunération moyenne n’est pas vraiment comparable à leurs homologues européens.

Parallèlement, le budget français alloué au système pénitencier est inférieur à la plupart des pays de l’Union.

On pourrait espérer que l’Aide Judiciaire, c’est-à-dire le financement par l’Etat des frais judiciaires pour nos compatriotes les plus démunis soit à la hauteur d’un Etat qui se veut un Etat providence ; ce n’est pas le cas puisque plusieurs pays comme le Royaume-Uni, l’Irlande, la Norvège, la Suisse, consacrent à ce poste des budgets plus importants.

Comment remédier à cette situation ?

Regardons la solution adoptée par nos voisins.

78 % des pays européens externalisent un certain nombre de fonctions dévolues au ministère de la Justice comme par exemple : l’informatique, la sécurité, les archives, l’entretien, la restauration, etc.

Cette solution a non seulement le mérite de diminuer le nombre de fonctionnaires qui seraient affectés à ces tâches mais aussi de réduire le coût grâce à un système d’appel d’offres.

La France dispose d’un service externalisé qui fonctionne dans l’ensemble très bien sans aucun coût pour l’Etat : les Greffes des tribunaux de commerce.

Il y a 50 ans, les Greffes des tribunaux d’Instance étaient tenus par des officiers ministériels sans coût pour l’Etat. Ils fonctionnaient globalement bien : on les a fonctionnarisés sans leur donner de véritables moyens, notamment informatiques.

Pourquoi ne pas réfléchir à une réforme du statut des tribunaux civils en s’inspirant de celui des Greffes des tribunaux de commerce ?

Mais au-delà du problème des  dépenses, ne faut-il pas regarder du côté des recettes pour révolutionner le budget du ministère de la Justice ?

La quasi-totalité des pays de l’Union Européenne ont trouvé la solution depuis très longtemps : ils mettent les justiciables à contribution, sauf pour les personnes les plus démunies financièrement.

Grâce à ce système de ticket modérateur, comme en France pour la médecine, l’Allemagne a un budget en équilibre et dont le montant est supérieur au budget français, et l’Autriche présente même par exemple un budget de la Justice excédentaire !!!

Mission impossible que d’envisager une réforme de cette ampleur ? On peut être pessimiste si on se réfère à la première « réformette » initiée sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : une taxe de 35 € avait été instituée à la charge des justiciables pour chaque dossier.

Ce système a augmenté le budget de près de 50 millions d'euros. Malheureusement, Madame Taubira, dès sa nomination, a supprimé cette mesure, laissant la facture à régler par les contribuables plutôt que par les justiciables utilisateurs des services du ministère de la Justice.

Il faut, en fait, une volonté politique de changer de logiciel du financement de la Justice ; il faut faire une « révolution » pour reprendre le titre éponyme d’un livre écrit par notre actuel Président de la République.

Ainsi, on retrouverait un budget comparable à nos voisins européens et comparable également aux budgets alloués à ce ministère régalien au cours du 19ème siècle, époque où les recettes provenant des justiciables représentaient 80 % dudit budget !!!

 

Bernard MONASSIER

Notaire Honoraire

Vice-Président du Cercle des Fiscalistes

 

 

 Tribune parue dans L'Opinion, le 12 juillet 2021