Translate

mercredi 8 avril 2020

La crise sanitaire va-t-elle devenir une crise économique ?




« La crise sanitaire va devenir une crise économique. Nous devons nous organiser afin que le pays tienne, pour que les entreprises subsistent. Mais cela ne passera pas par une augmentation des impôts ».

Ces propos d’Edouard Philippe, Premier Ministre, ont été entendus par des millions de Français.
Sont-ils pour autant rassurés sur une non-augmentation des impôts pour l’année à venir ? Rien n’est moins sûr.

Un choc financier, économique et fiscal considérable 

 

Le bon sens populaire s’attend à un choc financier, économique, mais aussi fiscal, considérable.
Ils ne croient pas à une solution miracle qui permette à l’Etat de faire face, sans dégâts collatéraux, à un déficit que d’aucuns estiment à près de 12 % du PIB pour l’année 2020.

Consciemment – ou inconsciemment – les Français ne croient pas que les recettes fiscales récurrentes pourront faire face au remboursement ou même au paiement des intérêts d’une dette qui aura explosée et cela parce que l’activité économique s’étant contractée, il est évident que les recettes fiscales provenant tant des entreprises que des contribuables personnes physiques, vont stagner voire diminuer.

 

Un risque d'inflation 


La prise en charge de façon ponctuelle ou quasi-permanente d’une fraction de la dette de la France ainsi que des autres Etats de l’Union par la Banque Centrale Européenne apparaît d’évidence comme un palliatif : soit il faudra un jour rembourser, soit il faudra avoir recours à une création artificielle de monnaie.

Dans notre inconscient collectif, à tort ou à raison, en souvenir de l’époque où le « Franc » existait et où les gouvernements successifs faisaient tourner « la planche à billets » avec des dévaluations successives, on reste persuadé que cette dernière solution ne peut que déboucher sur une inflation galopante.

Les premières victimes seront les personnes à revenus fixes, c’est-à-dire les retraités mais aussi les titulaires de contrats d’assurance vie en Euros dont la majorité des détenteurs sont peut-être là encore des retraités : double peine donc pour cette catégorie de Français.

Un tel scénario, qui se traduirait par une diminution drastique du niveau de vie de nos compatriotes, ne pourrait-il pas déboucher sur des mouvements violents de protestations, voire des mouvements insurrectionnels ?

 

Le risque d'un vote populiste  


En outre, il ne faut jamais oublier que la population française est vieillissante et que son poids électoral est important ce qui pourrait avoir pour conséquence un vote populiste lors d’élections nationales.

La solution à laquelle tout le monde pense, sauf le Premier Ministre, serait de faire payer les riches comme le préconisait Karl Marx au 19ème siècle.

Au-delà de la définition de la notion de « riches » (est-on riche « au-delà de 4.000 € mensuels de revenus » comme l’avait suggéré à une époque François Hollande ?), il ne faut pas oublier qu’il ne faut pas trop taxer le contribuable car « trop d'impôt tue l’impôt » et freine voire arrête la machine économique.

Alors, dans ces conditions, n’y-a-il aucune solution envisageable ?

 

Pour un emprunt citoyen 


En 1958, la France paralysée politiquement par la Guerre d’Algérie, était dans une situation financière catastrophique.

Le Général de Gaulle, revenu aux affaires, avec l’aide d'Antoine Pinay, Ministre des Finances, et de l’économiste Jacques Rueff, a remis au goût du jour une technique ancestrale utilisée à de nombreuses reprises dans notre Histoire, notamment en cas de guerres : il s’agit de l’emprunt auprès des citoyens. 

Cet emprunt, entré dans l’Histoire sous le nom d'« emprunt Pinay » a été rendu attrayant par trois mesures très simples : 
- indexation sur l’or
- exonération d’impôt sur les intérêts perçus 
- absence totale de droits de succession sur le capital souscrit

Le succès a été immédiat : plus de 700.000 Français de toutes conditions y ont souscrit. Les épargnants ont eu confiance en la stabilité de l’Etat, en sa parole, et par patriotisme – mais peut-être également par intérêt fiscal – ont souscrit massivement dans les perceptions, dans les banques mais aussi chez les notaires.

 

La souveraineté financière en jeu


Cette mesure populaire a permis à la France de retrouver très rapidement son indépendance financière vis-à-vis des prêteurs étrangers et du Fonds Monétaire International.

Dans le contexte actuel, pourquoi ne pas recourir à une telle mesure ?
Pourquoi ne pas imaginer que tout contribuable bénéficiant d’un certain niveau de revenus ne soit obligé de souscrire à un emprunt similaire ?
Le bon sens populaire pourrait certainement approuver une telle solution ou une telle mesure en se souvenant qu’il ne faut jamais oublier que « ce sont dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures ».


Me Bernard MONASSIER
Notaire Honoraire
Vice-Président du Cercle des Fiscalistes