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samedi 22 juin 2019

Vers une fiscalité des successions alourdie ?

 


Dans une interview à Challenges, Maître Bernard Monassier dénonce une manœuvre pour taxer davantage sous couvert de justice fiscale. Et un retour de l’ISF sous une autre forme.

 

Plusieurs institutions sont favorables à une hausse des droits de succession pour lutter contre « l’économie de la rente ». Qu’en pensez-vous ?

 

De Gaulle, juste après 1968, avait voulu les augmenter : le tollé général l’a fait reculer. Aujourd’hui encore, les Français sont, à une écrasante majorité, opposés à une hausse des droits de succession, alors même que 80 % d’entre eux n’en paient pas. De plus, une réforme serait d’autant plus mal venue que la tendance est plutôt à la baisse des droits : un certain nombre de pays, ces dernières années, les ont diminués et même supprimés, comme l’Italie. Enfin, contrairement à ce que disent ces réformateurs, les impôts sur la succession français sont déjà parmi les plus élevés du monde. En matière de taxation du capital, la France est même, il faut le souligner, championne d’Europe. Entre l’acquisition, la détention et la sortie, par vente ou succession, l’Etat prélève l’équivalent de 4,4 % du PIB. Alors que c’est seulement 1,8 % en Allemagne. On nous parle de davantage taxer les riches ? Mais c’est déjà le cas !

Mais l’Etat a aussi besoin d’argent. Le remplacement de l’ISF par l’IFI a réduit de 3 milliards les rentrées fiscales…

 

Ce n’est pas forcément en augmentant les impôts qu’on fait rentrer davantage d’argent dans les caisses. Pour augmenter les recettes sur les successions, je propose donc de baisser le barème des droits de succession. On assistera alors une hausse spectaculaire du nombre des donations et donations-partages, qui générera beaucoup plus de droits qu’avant. En 2002, j’avais contribué à mettre en place de tels abattements sur les transmissions. Quelques mois après, les recettes de l’Etat sur ces droits avaient bondi de… 100 %.

Le gouvernement prépare un texte pour juillet, remettant en cause la réserve héréditaire, qui empêche de déshériter ses descendants. Une bonne réforme ?

 

La réserve héréditaire existe depuis plus de 2 000 ans dans notre société où, contrairement aux pays anglo-saxons, on n’est pas tout à fait le propriétaire de son patrimoine, mais plutôt le gardien qui le transmet aux générations suivantes. C’est un principe d’égalité des héritiers, qu’on veut remettre en cause au nom de la liberté. Mais auquel les Français sont aussi très attachés.


Mais le fait de devoir obligatoirement transmettre une grande partie de son patrimoine à ses héritiers est-il vraiment pénalisant pour la philanthropie ?

 

Pas du tout : la réserve héréditaire ne bloque absolument rien ! Depuis dix ans, il est possible - et c’est d’ailleurs courant - pour les héritiers de renoncer à la réserve héréditaire lorsque tous sont d’accord, et cela sur tout ou partie d’un patrimoine. Pourquoi dans ces conditions vouloir réformer un système qui a prévu des solutions alternatives qui fonctionnent ? Et pourquoi faire compliqué, quand on peut faire simple ? Montesquieu disait : « Il ne faut changer les lois que d’une main tremblante. » Prudence, donc…


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