Pionnier, le congrès des notaires réfléchit, dès 1983, à la nécessaire
évolution des rapports entre les entreprises et leurs partenaires.
Il y a quelques jours,
Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, après consultation d’environ 200
personnalités, ont remis à Monsieur Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie, un
rapport sur « l’entreprise, objet
d’intérêt collectif ».
Ils envisagent une modification de l’article 1833 du Code
Civil afin d’élargir la fonction de l’entreprise telle qu’elle ressort de
l’article 1832 du même Code ; ils proposent en réalité une nouvelle définition de l’entreprise.
Selon leurs analyses, une société ou une entreprise n’est pas
constituée uniquement dans l’intérêt commun de ses propriétaires mais dans l’intérêt également de certains enjeux
sociaux et environnementaux.
Les médias ont
abondamment commenté ces propositions de réforme. D’aucuns n’ont pas hésité à
les considérer comme un symbole extraordinaire, une vraie révolution allant
bien au-delà de la sémantique et du vocabulaire juridique.
Une définition moderne
de l’entreprise
Les notaires en exercice dans les années 1980 se disent avec
nostalgie « rien de nouveau sous le soleil » en écoutant ces
commentaires dithyrambiques.
Ils se souviennent qu’en mai 1983, lors de leur congrès national en Avignon, les notaires
étaient 3.000 à réfléchir et à échanger durant 3 jours sur la nécessaire
évolution des rapports entre les entreprises et leurs partenaires :
salariés, fournisseurs, clients, pouvoir politique etc…
Au cours de ce débat, ils ont regretté l’absence d’une définition moderne de l’entreprise ;
ils ont dénoncé les lacunes, les insuffisances de la définition résultant des
articles 1832 et 1833 du Code Civil.
Ce congrès a alors vainement attiré l’attention de l’opinion
publique, du monde politique, de la doctrine juridique, sur la nécessaire
réforme de cette définition.
35 ans plus tard ce thème est enfin d’actualité. Le Président
de la République semble vouloir en faire un axe essentiel de réflexion pour son
quinquennat.
Il faut se féliciter de cette prise de conscience au niveau
le plus élevé de l’Etat.
En faisant ces quelques observations historiques, certains
pourraient s’étonner du don de voyance des notaires, caractéristique méconnue
de la profession !!!!
Les notaires aux
avant-postes de la réforme
Non, les notaires ne sont pas des devins, ils ne savent pas
lire dans les astres. Il y a une explication plus simple ; le notariat reçoit annuellement 20 millions
de clients.
A cette occasion, ils découvrent leurs préoccupations, leurs
difficultés, leurs souhaits, mais aussi les insuffisances, les lacunes de notre
corpus législatif et réglementaire face à la réalité quotidienne des français.
C’est la raison pour
laquelle, dans leurs congrès nationaux, depuis les années 1950, ils sont
toujours aux avant-postes de la réflexion réformatrice.
Le congrès national
des notaires de France est une sorte de thèse juridique collective de la
profession prenant en compte l’évolution de la société française et la nécessaire adaptation de son
environnement juridique et fiscal.
D’ailleurs, Jean Foyer, éminent professeur de droit, Garde
des Sceaux dans les années 1960, à l’origine des réformes essentielles de notre
droit, n’hésitait pas à écrire qu’il commençait toujours ses réflexions sur les
modifications à apporter à notre droit par la lecture des travaux des congrès
nationaux des notaires.
Ce sont ces travaux qui
ont inspiré la réforme de droit des sociétés, de la copropriété, de l’urbanisme,
des régimes matrimoniaux, de la transmission d’entreprise etc…
A titre anecdotique, on ne peut passer sous silence une
certaine coïncidence. Le rapporteur général de ce congrès d’Avignon, Maître Dutour,
Docteur en Droit, a ouvert les travaux par un discours commençant par une
citation célèbre d’un illustre professeur de Droit déplorant il y a plus de 70
ans l’absence d’une définition de l’entreprise dans notre droit.
Ce Notaire, exerçait à Pont du Château (Puy de Dôme) ;
c’est à une dizaine de kilomètres de Clermont-Ferrand, siège social de la
Société Michelin, aujourd’hui présidée par Monsieur Sénard, co-auteur de ce
fameux rapport.
Clin d’œil de l’histoire ? Hasard ?
A chacun son interprétation.
Bernard MONASSIER
Président du congrès des Notaires de France
à Avignon en mai 1983
Retrouvez plus de points de vue de Bernard
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Fiscalistes