La langue française est réputée pour sa
clarté, sa concision.
Hélas, il arrive,
comme l’écrivait Saint-Exupéry, que le langage exprimé pourtant en langue
française, soit source de malentendus.
En 2011, Monsieur
Jérôme Cahuzac, alors Président de la Commission des Finances de l’Assemblée
Nationale, avait organisé l’audition de certains professionnels de la sphère
juridique et judiciaire.
Dans ce cadre, il
m’avait interrogé, à la fin de mon intervention, sur la possibilité d’augmenter
les recettes fiscales étatiques. J’avais suggéré une augmentation du droit
d’enregistrement perçu lors du partage des successions et des indivisions de
toutes natures. Je proposais de porter le taux à 1,50 %.
Le conseil fut
entendu et quelques jours plus tard, les députés votaient quasiment sans débat
cette augmentation de recettes.
Le droit d’enregistrement
porté à 2,50 %
Hélas, trois fois
hélas, mauvaise élocution de ma part, ou mauvaise transcription de mon
intervention, le texte mis aux voix prévoyait un taux de 2,50 % et non de 1,50
%.
Cette hausse excessive
suscita un tollé de protestations chez les professionnels du Droit et en
particulier au sein du corps notarial.
Etant à l’origine de
cette bévue, j’ai tenté d’alerter les parlementaires et les gouvernements
successifs, sur les conséquences néfastes de cette mesure. Ces appels ne
reçurent aucun écho favorable pendant plusieurs années : il s’agissait
d’une disposition peu médiatisée.
Finalement, en 2019,
après une première vague tentative en 2018, la voix de la raison s’est fait
entendre. Le Parlement a enfin compris que trop d’impôt tue l’impôt au
vu de l’évolution des recettes perçues au titre de ce droit de partage :
-
- en 2011, les
recettes étaient de 327 millions
- - et, en 2018, de
624 millions.
Or, durant cette
période, le prix de l’immobilier, principale assiette de cet impôt, a augmenté par
exemple à Paris de près de 30 %. Cela signifie que les recettes fiscales liées
à cet impôt stagnaient en réalité si on prend en compte que durant cette
période l’inflation était de l’ordre de 10 %.
Corriger cette
erreur paraissait aisé. Il suffisait de revenir à la proposition initiale.
Mais pourquoi faire
simple lorsque l’on peut faire compliqué ?
Le taux à 1,5 % pour une catégorie de partages
Au lieu de modifier
le taux pour tous les types de partage, on a réservé la réforme aux partages
consécutifs à un divorce, à une séparation, ou à la rupture d’un PACS. Les
partages de successions en sont exclus ainsi que les donations-partages
contenant réintégration de donations antérieures pour rétablir une égalité
entre les enfants.
Etrange ostracisme :
on connaît avec le régime de l’indivision qui sévit en
Corse depuis Napoléon par suite d’une disposition fiscale de cette époque, les conséquences économiques, psychologiques et financières désastreuses du maintien dans l’indivision des biens reçus par succession.
Corse depuis Napoléon par suite d’une disposition fiscale de cette époque, les conséquences économiques, psychologiques et financières désastreuses du maintien dans l’indivision des biens reçus par succession.
Une réduction par
palier sur deux ans
Plus grave
encore : le nouveau texte prévoit une réduction par palier : 1.80
% en 2021 et 1,10 % en 2022. A quelles répercussions faut-il s’attendre ? :
une baisse progressive des actes de partage suite à une diminution durant les
années 2020, 2021. Aucun professionnel ne pourra en conscience conseiller à ces
clients d’établir un acte de partage en 2020 par exemple au taux de 2,5 % alors
qu’en 2022 le taux sera de 1,10 %.
Corriger un
quiproquo : excellente décision. Malheureusement, la solution mise en
œuvre fait preuve d’une absence de sens pratique, de bon sens.
Cela contribuera au
rejet de la classe politique, et du système fiscal : lapsus révélateur ?
Acte manqué ?
A chacun de se faire
une opinion.
Me Bernard MONASSIER
Notaire Honoraire
Vice-Président du Cercle des
Fiscalistes